Jour 2                                             Monistrol d'Allier-Chazeaux


 

 

 
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Dimanche 27 Avril 2025

Le coucou

Comme les sens sont aux aguets, c'est un parfum, une texture, un son particulier qui vous dirige vers une pensée, qui vous accompagne quelques hectomètres. C'est le coucou qui est venu me saluer ce matin que je lui rendit en homme poli que je suis. Lui qui niche dans la couche de ses congénères, il me rappelle que je ne suis guère différent que lui sur ce point. Chaque pèlerin emprunte le lit de celui qui le suit. 

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          …♦…

Julien Clerc

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Le prophète, la Grand-Mère et le serpent

    ∞ Chapitre 2 ∞


L'amertume

Dans Compostelle, il y a compost.

On peut imaginer que ce mot, Compostelle, figurant comme la traduction française d’une célèbre ville espagnole, ne trouve pas ses racines dans le compost, qui décèlerait lui-même ses origines dans la patrie de Platon. Même si les hellénistes antiques devaient recycler leurs épluchures pour affermir leur terreau, le compost que les personnes contemporaines, soucieuses du recyclage alimentaire, entretiennent avec soin et délicatesse devait avoir un autre nom que mes lacunes en grec ancien m’empêchent de nommer.

Et même si parmi ces personnes férues de jardinage écologique, bon nombre se trouvent dans cette fameuse ville ibérique, Il en découle que ces deux mots sont aux antipodes quant à leur origine et signification.
Aucun affinité apparente, pas davantage de connexion spirituelle, ni de près, ni de loin, ni tiré par les cheveux. À moins, encore une fois, d’évoquer la passion de Conchita, dont le passe-temps est de faire pousser ses aubergines avec les déchets organiques qu’elle a laissé pourrir une année dans le compost de son jardin, dans les faubourgs de Saint-Jacques de Compostelle.
Mon histoire m’autorise à y voir un lien.
Le compost est bénéfique, prospère pour le jardinier. Tout comme le fumier, la pourriture lentement fermentée permet d’intensifier les apports nécessaires pour que les plantes organiques prennent vie et goût.
C’est une forme d’amertume salutaire à la flore. Ce qui n’est pas le cas concernant l’amertume telle qu’on se la représente dans notre vie personnelle. Celle-ci n’oxygène pas la vie, elle l’étouffe. Elle ne développe pas la matière comme elle peut le faire sur les choux, elle ronge, elle dévore à petit feu.

L’amertume est irréversible. Dès lors qu’elle se manifeste, le retour est compromis.
Elle est le résultat d’une situation inaccomplie, d’un vœu désormais irréalisable, d’un rêve inachevé.

Avec l’amertume, viennent inévitablement les regrets. Le sentiment qu’un retour en arrière n’est plus envisageable pour réparer un mal, pour reprendre une parole trop vite exprimée, ou pour entreprendre un acte tant désiré que le temps passé nous fait comprendre que dorénavant les conditions ne sont plus réunies pour le réaliser.
On peut invoquer la fatalité, on peut exprimer sa hargne, on peut pleurer toutes les larmes de son corps, rien n’y fera. 
Il faut dès lors faire preuve d’une certaine clairvoyance pour se rendre compte que l’action, la prise d’initiative se substitue à cette amertume qui viendra inexorablement sans cela. 
Puisque nous ne déroulons pas notre vie parfaite, puisque nous ne maitrisons pas tous les éléments, puisque nos choix sont dépendants ou influencés par d’autres personnes, viendra tôt ou tard se former de petites ou grandes touches d’amertume ici ou là.
Il faut alors les comprendre, les accepter. Mais il faut surtout empêcher qu’elles surgissent lorsque la décision nous appartient.
Pour annihiler cette amertume rongeuse d’un voyage avorté à plusieurs reprises, pour ne pas créer plus tard une autre amertume dévoreuse du même voyage non entrepris, je souhaite oxygéner ma vie comme le compost le fait avec les carottes. Aussi, je me lance, je prends la décision de partir pour Saint-Jacques de Compostelle, terreau fertile, terre promise.

Je ne veux pas, à l’hiver de ma vie, cette douce soirée qui tournerait à l’amer, du 29 juin 2072, devoir me dire que si j’avais su, je serai parti sur les chemins le temps nécessaire pour rallier Saint-Jacques de Compostelle. Je ne veux pas avoir ce jour-là le regret d’un rêve inaccompli, qui laisserait une ombre sur ma vie jusque là d’une clarté resplendissante.
C’est la raison pour laquelle je décide de me préparer pour partir au printemps 2025. J’ignore encore si mon expédition sera une réussite mais je n’aurai pas le regret de ne pas avoir essayer.
Partir une soixantaine de jours à marcher 25 km quotidiennement n’est pas une mince affaire, surtout pour un homme de presque 53 balais dont le corps s’amasse de plus en plus avec le poids des ans.
Et si le regret de ne pas avoir atteint la destination finale est là, il sera compensé par la joie d’avoir entrepris la démarche, d’avoir vécu ce pèlerinage.
L’important n’est pas l’objectif, l’important est le chemin.
La foi en cette expédition, l’espoir et l’énergie qu’elle procure sont les composts qui me permettront de composter mon billet aller pour Compostelle.

 

Date de dernière mise à jour : 27/04/2025

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