La liberté
La liberté est juste un autre mot quand on n’a plus rien à perdre.
J’ai l’immense regret de vous annoncer que la liberté n’existe pas. C’est comme le père Noel, Jesus Christ ou la petite souris. Il n’y a que les petits enfants, les croyants et Garcimore qui y croivent. Soi dit en passant, l’orthographe, c’est comme Dieu : il y a ceux qui y croient et ceux qui n’y croivent pas. Il faut être sacrément crédule ou aveuglément optimiste pour croire à la liberté absolue. Et ceci pour une simple et bonne raison : il existe toujours quelqu’un ou quelque chose qui nous importe. Un enfant, un parent, un ami, un bien matériel, une situation professionnelle, un engagement ou encore l'honneur, la fierté, l'égo et plus encore. Toutes ces parties sont autant de contraintes, de restriction de votre propre espace de liberté. Comme nous nous soucions de perdre partiellement ou en totalité ce qui compte pour soi, dès lors nous entâmons notre indépendance pour correspondre aux prérogatives que cela suppose.
Comme votre liberté s'arrête où commence celle des autres, elle possède de facto une frontière.
Il n'y a que l'ermite, seul et auto-suffisant dans sa cabane au fin fond des bois qui pourrait s'en approcher le plus près. Rien qui le retient, personne qui l'attends, nul pour qui se soucier. Le pèlerin vient juste après, dans l'absolu, s'il arrive à se détacher de la vie qu'il a laissé derrière lui, le temps de son odyssée. La différence est qu'il ne se suffit pas à lui-même sur sa capacité à se sustanter en liquide et en solide. Pour le gazeux, pas de débat, il flatule autant que l'ermite ou le quidam.
Le sentiment de liberté se fait régulièrement ressentir heureusement. Notamment lors d'une libération. Cela tombe bien, c'est la même racine étymologique. C’est la libération de la femme oppressée quand le joug de son mari lâche d’un seul coup comme un soulagement, ou celui du prisonnier qui voit les portes du pénitencier qui bientôt vont se réouvrir. C’est la libération d’un journal quand la presse retrouve son indépendance après avoir été muselée par la dictature renversée. C’est aussi celle survenue après un armistice libérateur, sans joie avec les drames et les proches disparus pendant les guerres. Plus léger mais tout aussi important, le sentiment de liberté donne des ailes quand on obtient son autonomie, au volant de la Fiat Panda, qui roule comment un veau, mais un veau qui vole. Un jeune suédois, ayant vécu ces moments inoubliables, s’en est inspiré quand il a créé des années plus tard sa propre marque de voiture.
La liberté fait partie des principes fondamentaux de la république française, comme l’égalité et la fraternité. Sans oublier la laïcité. Chaque citoyen est attaché à sa préservation. Il est important d’avoir la possibilité d’agir ou de penser comme on l’entend. Ce qui malheureusement tend à disparaître est la notion de libre arbitre.
C’est là que la nuance est ténue. On est certes libre de se mouvoir et d’avoir sa propre opinion mais celle-ci est tronquée, influencée, déformée, manipulée. Nous pensons pouvoir nous déterminer librement alors que le fatalisme grignote petit à petit du terrain pour nous formater à des choix préconçus par les pouvoirs en place; et je ne parle pas que du politique qui lui aussi à tendance à se faire dégager de son fauteuil par l’industriel, l’influenceur et par celui qu’on voit ressurgir depuis quelques temps, le populiste.
Ce dernier caracole dans les sondages, promet monts et merveilles, invite à dégager les modérés qui sont la cause du mal de la société. Mais ne voit-on pas que de telles perspectives vont encore plus à l’encontre de la liberté? Ne pressent-on pas une oppression grandissante et une diminution de notre espace vital?
Restrictions en tout genre, caméras, radars, pistages?
Nous sommes entrés depuis une vingtaine d’années dans une spirale numérique qui dévore nos libertés individuelles et plus ça va, plus on en redemande. Chaque site internet demande d’être inscrit, chaque téléphone trace notre position, chaque transaction bancaire renseigne sur nos habitudes de consommation. Certains vont même jusqu’à raconter leur vie sur les réseaux sociaux.
Partir marcher permet de toucher du doigt ce sentiment de liberté si on arrive à se détacher du seul accessoire qui nous relie à la planète : le téléphone. Cet appareil génial qui permet de rester en contact avec ses proches ne devrait être utilisé qu’à ce seul dessein, et rien d’autre. Pas de mails, de trace gps, de post Amstramgram ou piqueniquedouille.
Et le summum de la liberté est effectivement de péter comme bon nous semble. Ce geste tabou en société qui vous fait passer pour un malotru alors que la flatulence est universelle, devient libérateur dans la nature.