Jour 7                                             Golinhac - Conques

 


 

 

 
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Vendredi 2 Mai 2025

Les histoires 

On ne fait pas d’histoires sur le chemin. Ici, la bataille et le conflit n’ont pas leur place. En revanche, le chemin a une histoire particulière. Chaque vestige, chapelle, croix et autre monument témoignent du passage des millions de pèlerins qui arpentent le chemin depuis des siècles et des siècles, amènent avec eux leur propre histoire. On décide de s’élancer sûr Compostelle pour une recherche, sans forcément connaître à l’avance l’objectif, pour amoindrir un deuil, pour une performance sportive, pour partager. L’accomplir comptera dans son vécu comme une époque historique. Comme une histoire d’amour, qui, une fois n’est pas coutume, finit bien.

Les histoires d’A

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Le prophète, la Grand-Mère et le serpent

    ∞ Chapitre 7 ∞


La rencontre

Si cela reste une évidence pour moi, partir sur les chemins pendant deux mois suscite multiples interrogations de ceux à qui je dévoile mon projet.
Il y a les circonspects qui ne voient pas l’intérêt même de marcher ne serait-ce que deux kilomètres. Alors 1500 pensez donc.
Il y a les éberlués qui ne pensaient même pas qu’il était possible de marcher une telle distance en deux mois. 
Il y a les indifférents qui ont d’autres occupations. Ils se savent pas ce qu’ils perdent.
Il y a les admiratifs qui mesurent l’étendue de la tâche. 
Il y a les envieux qui aimeraient bien prendre ma place. 
Il y a les décontenancés qui s’interrogent davantage sur le fait que je puisse laisser mon foyer seul ou que je parte sans ma femme.
Il y a les extrapolants qui s’imaginent que je suis catho pur et dur et qui croient que je me frotte à toutes les croix qui jalonnent le chemin.
Partir sur ce chemin en particulier, c’est d’abord une histoire de rencontres.
Rencontre avec les autres pèlerins d’abord. Chacun a sa propre histoire, sa propre destinée. Les raisons et les motivations sont multiples et il existe pourtant de nombreux dénominateurs communs. Ici, pas de compétition, pas de jugement, pas de justification. Que l’on soit seul, en couple ou en groupe, que l’on fasse porter ses bagages ou étant en autonomie complète, chaque personne considère son semblable avant son statut social, son âge, son sexe ou son origine. La solidarité est une vertu essentielle pour celui qui dépasse l’autre en difficulté. Respect et tolérance sont les deux mamelles de Compostelle.
Rencontre avec les hôtes qui, même si l’apport lucratif est présent, jouent un rôle essentiel dans le réconfort après cette longue journée harassante. Le pèlerinage s’est fortement démocratisé ces dernières années et le nombre croissant d’aventuriers a vu également l’émergence exponentielle de gîtes le long du chemin qui préservent le devoir d’hospitalité avant l’appât du gain.
Rencontre avec la nature ensuite. Retisser le lien avec les éléments que nous perdons peu à peu dans un monde de plus en plus urbanisé. S’émerveiller à nouveau de paysages verdoyants, de chants mélodieux d’oiseaux venus vous saluer, de mille senteurs qu’on ne retrouve plus dans notre vie quotidienne.
Rencontre enfin et surtout avec soi-même.  Profiter de cette occasion pour réfléchir sur le temps qui passe, sur notre place sur cette terre, sur l’empreinte que l’on laissera une fois le trépas arrivé, sur les projets, sur ce qui compte vraiment. 
Partir marcher pendant une longue période, c’est renouer avec trois valeurs que l’homme contemporain a perdu: 
Qu’elles sont t’elles?
En bon lambda occidental, on serait tenté de répondre l'eau, le pétrole et les métaux rares utiles à la fabrication des puces électronique et de batteries électriques.

Si je me dirige vers l'occident, symboliquement, je me tourne vers l'Orient.

Mon troisième fils aurait sorti le basket, le wifi et le pot de nutella. Mon rôle de père est loin d’être achevé. 
Ma réponse est : le temps, l’espace et le silence.
Le temps d’abord. Les journées ne sont jamais assez longues pour entreprendre tout ce dont j’ai envie ou besoin. À tel point que fut un temps où je considérais le sommeil comme perte de temps. Les réflexions sur soi-même que j’évoquais à l’instant et plus généralement tout sujet philosophique ou idéologique trouvent rarement leur place dans une journée déjà bien chargée. Ici, le temps n’est plus source de stress ou de frustration.
L’espace ensuite. Même si je me sens comme un privilégié dans le confort de mon habitat, la place destinée à chacun d’entre nous s’est considérablement réduite du fait de la surpopulation et de l’inflation. Sur les chemins, c’est un panorama sans fin qui s’offre à vous. Des hectares sont disponibles à chacun pour s’épanouir.
Le silence enfin. Quand je parle du silence, je n’évoque pas l’absence de bruit mais bien l’absence de sons nuisibles, produits par l’homme. Peu de chance de rencontrer un marteau piqueur au fin fond de l’Aubrac et le periph’ ne passe pas dans le Quercy. Quelques McCormick à la limite mais ils ont le pot symphonique.
Partir peut donc s’apparenter à une fuite. La fuite devant le futile, le fabriqué pour aller vers le naturel, l’essentiel.

 

Date de dernière mise à jour : 02/05/2025