La superstition
Je ne suis pas superstitieux, cela porte malheur. Devant cette boutade que j’avais coutume d’entonner au lycée devant mes camarades hilares, on peut noter cette contradiction qui me va comme un gant.
Je ne suis pas adeptes de quelques religions, je considère les astrologues comme des escrocs, je n’accorde aucun crédit aux légendes de malheur comme le chat noir ou passer sous une échelle et le trèfle à quatre feuilles, je le broute en salade. Je ne joue pas davantage au loto, mes connaissances en mathématiques et statistiques m’ont convaincu depuis longtemps que j’ai plus de chances de devenir ecclésiastique que de décrocher le gros lot.
Je considère la superstition comme un stratagème qui manipule, qui enferme, qui réduit, qui entraîne vers les ténèbres. Un dénommé Stevie a d’ailleurs eu de graves soucis par abus de superstition. J’estime, pour synthétiser ma pensée, qu’il n’existe pas de force supérieure à l’homme, qui pourrait avoir une influence sur mes choix. Tout ce qui arrivera ne sera pas l’action d’une créature céleste, d’un dieu quelconque ou que sais-je. Ce sera le résultat de micros événements, commandés par l’homme ou la nature.
Ce qui ne m'empêche pas d'attendre ou d'espérer. Tout en restant fataliste, il m'arrive d'espérer d'un temps clément pour une sortie en plein-air, d'un sommeil réparateur après une journée de dur labeur, de frites au menu de la cantine. Je ne me rends pas pour autant à la paroisse du coin pour y brûler un cierge. Mais, je vous l'accorde, dans l'hypothèse où le rendu n'est pas conforme à mes expectations, les conséquences seront moindres; j'ai maintes fois arpentés des chemins sous la pluie si le Clément est parti avec le soleil, j'ai déjà enchainé deux durs labeurs coup sur coup et je suis encore là, et je me suis déjà contenté des fameux brocolis du self.
Je ne sais pas vous, mais j'emploie souvent (toujours?) le mot pourvu, comme si j'étais dépourvu de tout.
Pourvu qu'il fasse beau, pourvu qu'il reste une part de galette...
Il en est tout autre lorsqu'il s'agit de quelque chose qui nous tripaille. Le pourvu revient encore : pourvu que mon opération des hémorroïdes se passe sans emmerdes, pourvu qu'ils ne décelent rien au scanner, pourvu qu'ils arrivent sans accident de la route etc...
Pas plus de cierges qu'avant, de prières, de gri-gris mais, je dois dire, une gestuelle différente: je m'aperçois que je lève les yeux aux ciels ou bien je les ferme longtemps, il m'arrive de serrer les poings. Je ne supplie pas, je suis trop cartésien pour cela.
Il n’empêche que la science a ses limites et que tout n’a pas été prouvé dans les laboratoires et que, par conséquent, l’inexpliqué existe jusqu’à ce que les progrès de la recherche transforme ce qui paraît incohérent en logique.
Tout ce qui touche à la psychologie, à la connexion entre deux êtres (ou des animaux), ces liens virtuels, ces révélations subites après un rêve, le chamanisme aussi, tout ceci bouscule les idéaux, les certitudes du descendant de René que je suis.
Il y a une quinzaine d'année, je suis monté en haut de la montagne, un cône de chantier à portée de voix (et un entonnoir sur la tête) et j'ai vociféré sur le fait que toutes les croyances liées aux relations mentales, à l'inconscient bref, tout ce qui ne relève pas du postulat scientifique, était pure connerie.
Depuis, le rigide, le coincé du cul s'est ouvert tel la marguerite au bord du chemin ( je parle ici de la fleur, pas la vache). Je ne dis pas que j'ai foi en Roswell ou Raël ou Jean-Pierre Chaman, mais je m'autorise à penser que tout ne peut être expliqué logiquement.
Avec cette pensée obtue durant toutes ces années, je ne savais pas me positionner sur Dieu. J'ai eu un enseignement catho, certes très léger, mais dans la lignée de la tradition judéo chrétienne qui oeuvrait dans les familles à cette époque et depuis des siècles. Je n'étais pas fou de la messe ( Attention! contrepétrie) mais j'étais obligé de m'y rendre étant jeune, moins ensuite. Je refusais cependant de me positionner sur l'existence de Dieu, si bien que, par facilité, je me suis marié à l'église, sous l’auspice d’un des dieux du rock qui m’a inspiré trois pas de danse.
Croiser les doigts, prier n’est rien d’autre qu’espérer. Et quand on espère, on regarde devant en oubliant parfois de regarder maintenant.
Sans aller jusqu’à la génuflexion, j’espère effectivement que mon 2025 odyssée de l’espace se terminera en apothéose mais en ayant cette pensée, je pourrais occulter en partie les joies éprouvées sur mes chemins préparatoires. Mon expérience m’apprend aussi qu’un tel défi, aussi excitant soit-Il (amen), est en outre fragile à souhait. Les pieds, le dos, la foi sont mis à rude épreuve. Mais c’est surtout le déni d’écoute de son corps qui peut tout faire capoter.
Je vois donc deux conclusions à cette ode à la non-superstition, qui vont sans doute bousculer vos idéaux, vous faire donner des couleurs à votre vie terne et pourquoi pas, vous aimer:
Soyez vous-même
Profitez de l’instant présent
Vous ne vous attendiez pas à ça hein?