Jour 11                                              Gaillac - Bach

 


 

 

 
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Mardi 6 Mai 2025

La caverne

La connaissance ne conditionne pas L’hospitalité. Je l’ai vécu hier soir. Les gens chez qui j’ai eu l’honneur de résider sont dans une caverne depuis leur naissance, depuis les années 50. Une caverne au sens allégorique du terme, tel que Platon l’a exprimé dans la République. Issus du cru, agriculteurs depuis toujours, n’ont bénéficié que d’une éducation minimale - il fallait bien faire tourner la ferme - n’ont jamais vu de pays à l’exception d’un salon de l’agriculture en voyage organisé - la foule les effraie. Ils imaginent que la vie réelle est telle qu’ils se la représentent au travers de la télévision, sans savoir qu’ils ne voient que des ombres. Nostalgiques du « c’était mieux avant », quand ils croisaient Pompidou et madame Claude, pas l’ex première dame mais bel et bien l’ex première pourvoyeuse de dames.  

Lui, on pouvait lui toucher la main! Mais, elle, fière, jamais un bonjour, con!

Il n’en demeure pas moins que ces gens-là ont un sens de l’hospitalité aiguisé comme les couteaux qui leur servent à tuer le cochon, une fois l’an. Simples mais chaleureux. 

La caverne dans laquelle ils vivent, qui les empêche d’accéder au savoir si tant qu’il soit utile pour une vie heureuse, m’a fait l’impression d’un oasis de fraîcheur.

Supersonic  

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    ∞ Chapitre 11 ∞


Le basculement

Le basculement concerne un point précis, dans l'espace ou dans le temps, au-delà duquel les tendances s'inversent. En mathématiques, il s'agit de la dérivée d'une fonction si les souvenirs scolaires des cours de Mme Vautrin qui me restent ne sont pas ternis par les différents changements de saison. Les souvenirs de Mme Vautrin ne sont, pour le coup, pas évaporés dans les vapeurs d’alcool; je me rappelle d’une prof joviale, uniquement les mardis entre 11h46 et 11h52, les semaines impaires et les années bissextiles. Le reste du temps, elle faisait la tronche. Pas de bol, j’avais cours les lundis et les jeudis. Cette déception était cependant compensée par le sex-appeal de Mlle Moron, la prof de sciences physiques, qui si situerait entre Alice Sapritch et Maïté. 
Mais rebasculons sur le basculement. 
La vie est jalonnée de point de basculement.  On en prend conscience sur l’instant ou après, avec le recul et la maturité. C’est une rencontre, l’obtention d’un diplôme, un décès, une rupture, un accident, une révélation etc.
Le basculement peut s’opérer en positif ou négatif et il est irréversible. 
Il suffit parfois d'un rien, d'un chouïa, d’un pet de nonne, d’un battement d’aile de papillon, d'une relation causale infime pour que tel phénomène, inattendu, surgisse tandis qu'on ne l'attendait point. 
Où alors c’est le résultat d’un travail mûrement préparé, d’un objectif réalisé qui nous propulse dans une autre dimension, sans les martiens mais avec plus d’assurance et de responsabilités. 
La théorie du chaos de Lorenz ne dit rien d’autre, en plus incompréhensible car il s’adressait à une élite scientifique en costume de velours et écrase-merde. 
Si on fait le point à l’instant T, si tenté qu’on veuille bien le faire, notre vie est une succession de basculements plus ou moins importants, ayant engendré d’autre série de basculements qu’on aurait pas eu si on avait pas basculé juste avant. 
Pour ceux qui nagent en plein chaos, rien de tel qu’un bon exemple frappant. Hier, j’avais planifié une visite chez Monsieur Moulinot, un vieux monsieur de 96 ans, à l’Ehpad des hortensias. Le sachant veuf sans famille, et dans un élan de générosité, j’ai pris l’habitude de prendre du temps sur mon agenda surchargé pour lui apporter fraîcheur et réconfort, et surtout qu’il couche mon nom sur son testament; Mr Moulinot possède une fortune conséquente. J’ai même commencé à regarder les catalogues des camping-cars en vogue, avec wifi et toilette sèche. Dans un tel scénario, le basculement provoqué par le décès de Mr Moulinot aurait généré une vie nouvelle et rêvée pour moi, faite de parkings de banlieue, de route 66 dans la creuse, et de partie de rami endiablée avec les junkies en dreadlocks et leurs batards que j’aurais ramassé en stop. 
En route pour les hortensias, un tesson de bouteille jeté malencontreusement par un ivrogne à bord d’un camion aménagé en caravane provoqua la crevaison du pneu de la voiture qui suivait, en l’occurrence la mienne. J’ai dû prendre du temps pour lire le mode d’emploi, regarder 3 tutos sur YouTube, essayer de trouver le cric et la roue de rechange pour finalement appeler un dépanneur. 
Résultat des courses, je n’ai pas rendu visite au vieux schnock dans son mouroir. Je l’appelle ainsi aujourd’hui, il vient de léguer son blé à une aide soignante à la forte poitrine. Les gens sont parfois vils et misérables pour profiter de la détresse des gens. J’en suis écœuré. 
Du coup, j’ai pas basculé et je continue cette vie terne et monotone. 
Plus sérieusement, je me souviens de quelques bascules, et je ne parle pas du terraillon de la salle de bains. 
Pêle-mêle, le 23 septembre 1982, le 7 février 1983, le 11 juillet 1993, le 20 février 1995, le 26 octobre 1998, le 29 juin 2002, le 4 mars 2004, le 23 septembre 2005, le 1er mars 2008, le 1er mai 2019 et le 25 juin 2025. 
Je vous invite à lire le livre d’Eric-Emmanuel Schmitt, la part de l’autre, qui traite d’un micro-événement, basculement aux conséquences colossales pour l’humanité. 
Si Mme Vautrin, la bout-en-train du lycée comme on avait coutume de la surnommer, n’avait pas été une prof pédagogue et motivante ( c’est finalement ce qu’on demande à un prof quand on y pense; pour la rigolade, y’avait la classe à l’époque), je n’aurais pas suivi ses cours avec assiduité et gourmandise. Ce basculement qui s’étala durant toute la période scolaire fait d’un intérêt exacerbé pour les maths grâce à l’envoûtante Mme Vautrin, engendra une autre série de pirouettes, pour éviter de répéter sans cesse basculement, conformément aux conseils de MR Mathey, le prof de français. 
Le résultat est la vie qui est la mienne, que vous commencez à connaître maintenant. 
Imaginez si j’avais eu Mr Miachon en maths, cette année-là comme disait Claude?
Je ne serais pas en train d’écrire à l’heure actuelle mais plutôt occupé à défiler pour la retraite à 60 ans, un badge « I love Jean-Luc » vissé sur le torse. 
Je dis merci la vie.

 

Date de dernière mise à jour : 06/05/2025