Jour 13                                              Cahors - Montcuq 

 


 

 

 
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Jeudi 8 Mai

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Recommandation

 du jour

Vertige de l'amour

          …♦…

Alain Bashung

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Le prophète, la Grand-Mère et le serpent

    ∞ Chapitre 13 ∞


Le vertige

 

Comme je sais que vous n'allez pas me juger, je peux sans craintes vous avouer la chose suivante, confession qui entraînerait sans nulle doute tonnerre de rires et déferlements de quolibets en société : je suis incapable de sauter dans l'eau, piscine ou lac d'eau douce, d'un promontoire supérieur à 3m de hauteur.
Dans la même veine, je ne me suis pas à l'aise lorsque je dépasse le quatrième barreau d'une échelle. L'explication que je donne : j'ai le vertige.
Je brille néanmoins par mes complexités et mes contradictions et je me repaît de sommets, de pics, de relief à gravir avec la satisfaction de pouvoir contempler un panorama, sous mes pieds, parfois à quelques centaines de mètres d'altitude, sans faillir d'un quelconque étourdissement.
Une analyse pointue nous entraînerait dans les méandres de la psychologie freudienne, ou bien dans la physiologie de l’oreille interne, siège de l'équilibre, ou alors dans le besoin impératif de suivre une formation liée à la confiance en soi avec un coaching de six mois minimum.
Ici, j'anatomise ce phénomène d'une autre manière : prendre de la hauteur, s'élever permet de relativiser la complexité de son monde intérieur. Ce n’est pas en grimpant sur un ridicule rocher échoué sur une plage ou en escaladant le toit de sa maison à l'aide d'un escabeau qu'on arrivera à résoudre les divers questionnements qui peuplent notre esprit. 

Moins allégorique, ce n'est pas en se nourrissant de réseaux sociaux et de diatribes philosophiques au café du commerce que la société pourrait recouvrir l'apaisement et la fraternité auxquelles elles est en droit d'espérer.

Ce vertige mentionné s'apparente davantage à un vertige vertical, celui du grimpeur sur sa paroi: on découvre, on prend soudainement conscience du gouffre effrayant jusque là caché derrière un voile. Viendra ensuite le vertige horizontal, celui du voyageur dans la steppe, les lignes de fuite l'étourdissent, guidé par une lueur pâle mais prometteuse.
D'autres vertiges existent comme celui de l'écrivain devant sa page blanche qui tient son histoire mais dont les mots ont du mal à se matérialiser sur la feuille.
Le vertige de l'ivrogne qui croit tenir une idée géniale: son cerveau refuse de la formuler correctement alors qu'il la sent grandir en lui.
J'arrive à noircir les pages, même avec 3 grammes dans chaque oeil, ce qui me renforce sur mon côté paradoxal?

Et puis le vertige de la mort, ce trou béant dans lequel chacun tombera inéluctablement, sans élastique ni parachute, le gouffre sans fond, noir et inconnu qui sera le lieu de chute de notre chaire, de nos os aussi bien que de notre âme et notre esprit. Notre mémoire y flottera quelques temps par ceux qui veulent bien se rappeler à notre souvenir mais elle aussi, tôt ou tard, plongera dans les abîmes.
Chacun pourrait exprimer un vertige différent qui lui est propre, en fonction des vicissitudes qu'il a traversé, de ses gênes, de ses émotions et de ses aspirations.
Les diverses réflexions qui m'animent depuis des années, m'amènent à penser qu'un nouveau vertige pourrait s'offrir à moi. Inconsciemment, je le côtoie, je l'ébauche, j'en dessine les contours sans y prêter une attention plus poussée, que ce soit ici, ou ailleurs, ou sur les  chemins que j'arpente régulièrement.

Cet été, je suis parti en randonnée dans les Alpes et j'ai, entre autres, gravi le glacier de la Chiaupe, 3000 m d'altitude (voir photo en page 3). Aucun vertige vertical. Mais une sensation de paix intérieure, car après plusieurs heures d'efforts et la satisfaction d'avoir accompli cet objectif que je m’étais lancé, j'avais devant moi un espace infini et magnifique, un silence bénéfique m'entourait. Cependant, le temps m’était compté car il fallait redescendre avant la nuit.

Pour réaliser le triptyque luxuriant (temps, espace, silence), l'idée de vivre reclus, en ermite, s'est mise à germer dans ma tête. Passer un temps défini dans une cabane ou fond des bois ou au sommet d'une montagne avec pour seules compagnies soi-même et la nature qui vous entoure comme une sorte de désintoxication numérique afin de revenir à l'essentiel. Connaître le vertige temporel.
Jouir du spectacle, décupler ses impressions, générer des pensées, se laver de tout bavardage, ne conserver que la parole, celle qui plane dans l'atmosphère et que l'on saisit pour se l'approprier dans le silence environnant.
Se lier d'amitié avec les plantes et les bêtes. Convoquer à la mémoire le souvenir des gens aimés. Lire, écrire, envisager, se projeter, renaître.
Devenir ermite, c'est avant tout s'enraciner: devenir de la terre après avoir été du vent.
Et puis toucher du doigt cette notion de vide, car le vertige est associé inéluctablement au vide. 

On comprend aisément ce qu’il en est pour le vertige vertical avec le risque de tomber dans le vide.
Le vertige horizontal avec un décor vidé de variabilité. 

Qu’est-ce que le vide? Il se définit de manière différente selon le thème abordé. En physique, le vide est l’absence de toute matière, liquide, solide ou gazeux ou même l’air ambiant y est inexistant. Je ne vais pas developper ce qu’il signifie en astronomie, en psychologie etc…

Inviter cette notion de vide disais-je, c’est retirer toute la matière qui nous entoure au quotidien, toutes ces interférences générées par l’extérieur et ainsi se consacrer uniquement à l’intérieur, se concentrer à la seule tâche qui nous incombe : soi-même.

Et puis, comme une porte ouverte, je ne terminerai pas sans citer le vertige de l'amour, j'ai crevé l'oreiller. Un vertige qui n’est pas associé au vide pour le coup.
Celui qui vous fait tomber dans l'incohérence, qui vous fait perdre et la tête et pied, jusqu'à parfois génèrer des larmes, des larmes d'amour, qui viennent des tripes, passent par le cœur, enivrent le cerveau pour enfin inonder les yeux.

 

Date de dernière mise à jour : 08/05/2025