La mémoire
Je n’irai pas jusqu’à dire que je suis extralucide. Mon humilité m’en empêche mais comme celle-ci commence sérieusement à m’exaspérer, je peux aller jusqu’à lucide.
On m’a fait remarqué dernièrement que j’étais dans le contrôle, que j’étais fiable, que je savais gérer, anticiper. Donc lucide, ce n’est pas franchement déconnant. Parfois, j’aimerai retrouver une certaine forme de candeur mais ça, je le garde pour plus tard, dans 3 mois.
Et cette lucidité s’étend jusqu’à cet ouvrage que je suis en train de rédiger. Je me suis fait une raison, il ne sera pas tiré à deux millions d’exemplaires, il ne sera même pas publié, peut-être ne sera même jamais lu.
Et ce n’est pas grave.
Où sera-t-il lu mais après mon trépas, lorsque mes descendants tomberont dessus par hasard, en vidant mes tiroirs numériques.
Je n’écris pas pour autrui, vous l’avez compris, mais pour moi. Et pour la tourterelle bien entendu.
Il n’est donc pas question d’égocentrisme ou d’orgueil. Je ne cherche nullement à me faire mousser ou démousser selon l’avis du lecteur potentiel.
La question suivante, que tout le monde se pose puisque vous en êtes arrivé là malgré mes prédictions est: pourquoi ?
Pourquoi est-ce qu’il écrit des textes parfois sans queue ni tête, au mieux grotesque, au pire absurde.
Tourterelle: écoute, j’ai une queue et une tête et je prends mon pied dans tous tes textes alors arrête de te dénigrer, tu es un génie. Et fous moi cette foutue humilité de mes deux à la benne.
J’ai pas toujours écrit, cela m’a pris je dirai sept ou huit ans. J’avais cependant rédigé quelques sketches pour des fêtes de famille principalement mais rien de plus.
Je ne parle pas des cartes postales illustrées par des photos de seins nus, souvent généreux, que j’envoyais enfant au curé de ma paroisse depuis le cap d’Agde.
Ni des nombreux mails insipides noyés dans le flot des échanges professionnels. Cela dit, j’aime les assaisonner à ma sauce, un peu piquante parfois, relevée d’autre fois. Ça fait mieux passer toutes les salades du quotidien.
Quelques uns et unes m’ont fait remarqué porter de l’intérêt pour mes notes, pour mon style et même, tenez-vous bien, pour mon humour. J’ai même entendu certains s’exclamer prendre du plaisir à ma lecture.
Si bien, que je suis passé du stade « arrêtez de dire n’importe quoi » à « et s’ils n’avaient pas tort ».
Me prenant au jeu, je me suis découvert des facilités dans l’écriture, accompagnées d’un certain plaisir à la tâche.
Mais tout ça ne réponds pas à la question.
Je serai tenté de dire que ce mémoire est destiné à réunir chez moi ce qui est épars. J’ai, comme vous l’avez remarqué, de multiples réflexions qui m’assaillent, des sujets qui m’interpellent et écrire est un excellent moyen de retranscrire toutes ces pensées et ainsi d’en faire un socle, une fondation solide pour bâtir à nouveau et explorer d’autres thèmes.
Il y a toutefois une autre raison qui émerge, à laquelle je n’avais pas encore réfléchi parce que je suis trop jeune. Il s’agit de la trace que l’on laisse derrière soi.
Cette question revient pourtant régulièrement dans les conversations du genre ce qu’on aimerait laisser comme image de soi à la postérité, comment aimerait on que les gens se souviennent de soi etc.
Ce mémoire peut être un bon support pour honorer ma mémoire. Cela devient de plus en plus clair dans mon esprit, presque ultra lucide.
Je ne suis pas de ceux qui s’épanchent facilement, plutôt secret et jouant sur les mots pour atténuer ou travestir ma situation, je conçois qu’il est difficile de connaître précisément la nature de ma condition.
Bonne nouvelle pour ceux qui souhaitent me connaître de haut en bas, de la tête à la queue, il suffit de lire ce mémorable mémoire à la mémoire de moi-même et vous serez repu jusqu’à la moelle. Tout est dedans.