Véronique
Écrire apporte 1000 vertus. Notamment le fait de ruminer, de mastiquer les idées d’où qu’elles viennent, d’être aux aguets dès qu’une illumination surgie de nulle part vienne percuter votre boîte à réflexion.
Que mes groupies se rassurent, et je sais qu’elles sont nombreuses, je n’ai pas rencontré récemment de Véronique qui, m’ayant mis le grappin dessus, m’oblige à tout plaquer, ce manuscrit compris, pour convoler dans un paradis quelconque, au milieu des dauphins, une paille reliée à un cocktail dans la bouche. Je ne vais pas non plus revenir sur cette Véronique C., camarade de CM2, qui avait remporté le concours d’escrime de la classe, rabattant du même coup le caquet aux mâles misogynes, moi compris, et dont je garderai cet affront, tel une cicatrice ouverte, pendant longtemps.
On m’attend là-bas.
On m’attend au pays où les véroniques pullulent dans les arènes. J’aurai l’occasion sans doute plus tard de clamer mon admiration pour la tauromachie (ah, la régie m’informe que nous venons de perdre deux millions d’auditeurs).
On m’attend sur les chemins où poussent les véroniques, les myosotis, les lilas, toutes ces fleurs aux multiples couleurs que j’arbore sur mes chemises les jours moroses pour embellir les instants loin des senteurs printanières.
Ce texte est effectivement parti d’une chanson. Ragaillardi par une randonnée dans la neige durcie, au dessus des nuages stagnant dans la vallée depuis des lustres et des réverbères, les sens toujours en émoi et à l’affût du moindre écho, je redescendit dans le brouillard lorsque Véronique chantonna qu’on l’attendais là-bas.
Il faut savoir que je voue un culte à Véronique. La plupart de ses chansons, surtout celles datant de la période 70’s, sont pour moi des pompes à émotions. Je m’injecte régulièrement des shoots de Véronique dans les veines. Le produit va directement activer les cordes vocales, c’est radical.
Je résume: me voici donc au volant, en train de replonger dans la masse blanchâtre, synonyme de déprime après une marche de 18 km ensoleillée et Véro commence par dire qu’elle a tant de choses à faire. Ni une ni deux, je lui emboîte le pas à tue-tête et lui rétorque que moi aussi, j’ai tant de chose à voir.
Et ensemble, nous entonnâmes le refrain: on m’attends là-bas.
Vint ensuite le stade de la réflexion, comme je l’ai dit au début de ce propos, la mastication se mit à fonctionner à toute vitesse, sans nécessairement devoir jouer de la mâchoire.
Comme il n’y a pas un jour qui passe sans que je ne pense à la destination que je compte relier ces prochains mois, au pays des véroniques et des muletas, je me projeta d’un seul coup à cet endroit en me demandant qui pourrait m’attendre là-bas.
La réponse fusa dans la seconde qui suivit. Comme le soleil à rendez-vous avec la lune, j’ai bien évidemment rendez-vous avec moi-même. Mais pas le moi-même du type qui n’a jamais fait un pèlerinage, non. Celui qui m’attend là-bas, c’est le moi-même qui a fait LE pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle.
Et sûr qu’il sera différent que celui d’aujourd’hui. En quoi? Je l’ignore encore.