Le sanglier
Si je veux être cohérent avec moi-même, déterminé sur les résolutions que je me suis fixées et lucide quant aux conditions dans lesquelles je suis susceptible d'évoluer prochainement, j'imagine à peu près comment vont s'articuler mes journées.
Et s'il y a une résolution à laquelle je dois m'astreindre pour combattre ce satané ennui qui me taraude, sans excuse, c'est bien la méditation.
Quand on évoque cette discipline, on imagine un endroit cosy et apaisant, avec un petit bonsaï à proximité, des bambous, des cymbales. On pressent qu'un moine bouddhiste va soudainement émerger ou qu'un bonze va se couler tout doucement près de vous.
Mais au milieu de nulle part, autant il est facile de satisfaire ses besoins, autant il est compliqué de trouver un temple propice au recueillement sur ses sens. De plus, le Belzebuth auquel je risque de ressembler, tant du point de vue visuel qu'olfactif, pourrait éloigner les bons z'amis venus se recentrer dans ce lieu paisible.
Il existe pléthores d'applications sur smartphone sur ce sujet et par bonheur, j'en ai trouvé une dont l'une des séances convient parfaitement au contexte dans lequel j'évoluerais.
Je suis heureux de vous la partager au cas où vous voudriez marcher dans mes pas un de ces jours.
Bienvenu Cyril dans ton nouveau programme de méditation.
Grace à petit bambou , tu vas enfin connaître l’apaisement, la sérénité, tes journées seront ponctuées de moments de relâchement, de connexion avec toi-même. Alors sans plus attendre, commençons dès maintenant avec la première séance, l’éveil du sanglier ou comment se recentrer sur ses sens avec notre ami le gros cochon poilu.
Mets toi à l’aise, dans un endroit tranquille, assis sur un coussin, les jambes repliées et croisées.
Nous pouvons démarrer.
La première sensation est visuelle. Ferme les yeux et imagine ce gracile animal gambader dans les forets. Tu le vois chercher des truffes avec son groin groin dans les sous-bois, tu l’aperçois remuer de la queue en signe d’allégresse. Prend un temps, le temps qu’il t’es nécessaire pour te le représenter. Le seconde sensation avec le mammifère est olfactive. Si tu as bien suivi les consignes, tu n’as pas pris de douche depuis une semaine, tu as éloigné savons, gels douches et même les liquides vaisselle de tes yeux. Tu peux à présent lever le bras droit bien haut, tourner ta tête du même côté et prendre une grande inspiration nasale. Le sanglier est là, tu le sens, tu renifles sa piste. Prends encore cinq grandes bouffées puis renouvelle le mouvement du côté gauche. Si tu es assez souple, essaie d’approcher ton appendice nasal de l’espace situé entre tes bourses et tes cuisses, ce no mad’s land qui n’a pas vu le jour depuis 7j, encore moins la caresse d’un gant de toilette et le long duquel suinte une texture jaunâtre. Il y flotte généralement des relents de marcassins.
Abordons le toucher. Toujours les yeux fermés, tu imagines la peau du sanglier, son poil rêche, son groin glabre. Glisse une main dans ton caleçon en gardant cette image en tête et tu auras un aperçu tactile, du poil et du groin. Cette expérience ne fonctionne encore une fois qu’après un jeun de douche d’au moins 7 jours.
Il est temps de passer au goût. Sa chair est relevée, elle se cuisine en sauce au vin, le plus souvent pendant les fêtes. Comme il n’est pas toujours simple de se procurer de la viande de sanglier, tu as pu, comme expliqué au préalable, mijoter un équivalent, beaucoup moins cher, à base de gras double, de suif et de panse de brebis, marinés pendant 7 jours dans de l’huile de foie de morue. Attrape une boulette de cette mixture, trempe la si besoin dans ton entrecuisse, le goût n’en sera que plus relevé, et enfourne là dans ton gosier. On est très proche de la texture de viande de sanglier, sans la sauce. Abstiens toi de vomir, tu devras sinon recommencer la séance depuis le début.
Pour terminer l’exercice, si tu n’as pas encore rendu l’âme, voici le son, la musique, la mélodie du sanglier. Je ne vais pas te proposer le bruit du cochon en rut, en train de copuler avec la laie, reconnaissable parmi tant d’autres. Je te suggère d’écouter « le sanglier », par DaPoule que tu trouveras sur ta meilleure plateforme musicale. Ce morceau est un must de la scène électronique avec l’orchestre philharmonique de Trifouillis les oies et ses 65 cors de chasse.
Bonne méditation Cyril et n’oublie pas de passer sous la douche après.
Affligeant est peut-être le mot qui vient d'emblée à l'esprit. Découvert par mes fils, ce morceau d'anthologie est l'occasion d'un fou rire systématique à chaque écoute en famille. le reste n'a que peu d'importance.