Le choix
J'ai pas l'choix.
Cette phrase employée communément, de plus en plus souvent par de plus en plus de personnes, est révélatrice de la liberté qui se réduit dans nos sociétés comme peau de chagrin; il y a de quoi être triste en effet.
En plus, elle est fausse. On a toujours le choix. C'est juste que la pire option que nous rejetons en choisissant la moins pire nous amène à usiter cette expression.
Choisir est la plupart du temps un acte facile, naturel. Chaque action est le résultat d'un choix que nous effectuons inconsciemment. Si je me lève pour aller prendre un café, je l'ai voulu plutôt que de rester sur ma chaise.
Il arrive que les deux parties - si on reste dans le binaire - s'équivalent et que ne pas opter pour l'une apporte plus de conséquences fâcheuses que de basculer pour l'autre. On parle de dilemme ou choix cornélien.
Lorsque les deux alternatives qui s'offrent à nous sont toutes aussi repoussantes l'une que l'autre, on parle de devoir balancer entre la peste et le choléra. Mais il existe surement une troisième voie qui serait encore pire que les deux autres. On est tous d'accord, par exemple, de préférer être atteint d'une de ces deux maladies, voir apparaitre sur son corps des pustules et des furoncles dégoûtants que de regarder Hanouna.
Plaisanteries mises à part, le pire choix qu'il pourrait être demandé a été contraint à Sophie. Dilemme, choix impossible, il touche à la moralité et soulève des interrogations existentielles sur la culpabilité, le sacrifice, la responsabilité. Le choix de Sophie pose la réflexion quant à la nature des décisions que nous devons prendre dans un contexte difficile.
Mais la question centrale est la suivante : Choisir, est-ce renoncer ou être libre? Question que je soumets à mes auditeurs.
C'est un exercice intéressant que de se pencher sur des interrogations philosophiques. Bien que les cours de terminale soient lointains, en dépit du fait que manquons parfois de pratique en la matière, s'interroger sur de tels sujets permet de se poser, de prendre de la hauteur, de s'astreindre à la maturation d'idées et ne pas être dans la spontanéité qui n'est pas toujours synonyme de qualité.
Partant du postulat que si nous obtenons la chance de pouvoir choisir, que cet action est délibérée et non contrainte, alors choisir est déjà une forme de liberté.
A la croisée des chemins, on peut ainsi décider de partir à gauche ou à droite, éventuellement de faire demi-tour, mais malheureusement pas de s'envoler, à moins de s'appeler Icare.
A mes yeux, la réponse à cette question peut différer en fonction de l'humeur du moment. Les jours noirs, on choisit en dépit, sous-entendu qu'on regrette l'option qui n'a pas été retenue, les jours blancs, on se projette vers les immenses perspectives qui s'ouvrent à nous à partir de la voie qu'on vient d'emprunter, sans regarder en arrière.
Vient ensuite la notion de savoir si le choix que nous venons d'accomplir est bon. Si, à la cafétéria casino, j'hésite entre le riz et les nouilles pour accompagner mon steack haché, je ne saurai à priori, qu'à postériori si le riz est pourri, ou pas.
Pour prendre un exemple plus proche de mes aspirations, si une patte d'oie se trouve sur mon chemin, le choix entre les deux voies qui s'offrent à moi se fera sur l'intuition, si aucune autre indication ne m'oriente. Après coup, comment savoir si ce choix fut le bon? Si toutefois le chemin de gauche s'avère être le plus long pour rejoindre ma destination, il est possible que ce soit compensé par le plaisir de découvrir un autre lieu champêtre et buccolique. Peut-être que choisir le riz plutôt que les nouilles appétissantes au fumet alléchant, m'aurais permis de découvrir une saveur nouvelle et surprenante.
Il restera cependant toujours une frustration : celle de ne pas savoir ce qu'aurait donné la seconde option. Cette frustration s'accentue avec le nombre de possibilités qui se présentent devant nous. Cela nous rappelle que nous sommes faillibles et impuissants et que nous ne gardons en tête que ce que nous avons exclus plutôt ce sur quoi notre choix s'est porté.
Le désir de l'être humain étant infini, plus on en a, plus on en veut. Plus l'offre est grande, plus le renoncement est important. D'autant plus que nous sommes limités par nos moyens, par les lois, par les autres etc....
Choisir, en somme, reviendrait à accentuer notre impuissance et notre tristesse face aux possibilités qui ne verront jamais le jour. D'un point de vue psychique, on renonce plus qu'on choisit, ce qui interfère sur notre liberté défavorablement.
En résumé, choisir, c'est renoncer et ne pas être libre.
Le processus de décision est étroitement lié aux émotions. Il est déclenché par un désir, un besoin, une nécessité.
Nos capacités sensorielles et cognitives, notre vécu, notre mémoire, notre tempérament, notre connaissance, notre expérience sont autant de facteurs qui nous poussent à nous orienter vers telle ou telle direction.
Que ce soit de manière consciente ou inconsciente. Nous pesons le pour et le contre, les risques éventuels, les récompenses et les conséquences.
Dans l'immédiateté, nous mobilisons nos sens et nos émotions de manière parfois trop impulsive, qui fait que le résultat n'est pas forcément à la hauteur de nos expectations.
Comme réagir et parler trop vite alors que la tempérance et la maturation de la parole eût été plus approprié.
La perspective d'une joie ou d'un plaisir peut biaiser notre procédé d'orientation sans prendre le temps d'évaluer les alternatives qui auraient apporter davanatage de stabilité sur un temps plus long. Il en va de même lors de l'évitement d'un conflit ou d'une situation inconfortable qui aurait dû être inéluctable pour sortir de ce bourbier et repartir ensuite vers un environnement plus apaisé.
La notion de libre choix fait appel à nos facultés d’imaginer, d’évaluer, de juger en fonction de nos idéaux. Elle fait donc appel à notre raison, notre discernement, en minimisant l'influence des émotions.
Le remède à tout cela consiste à prendre le temps de la réflexion et construire sa vie de manière à minimiser les choix, qu'ils soient naturels.
Ou bien de ne pas choisir et lâcher prise.
Lâcher prise, c'est admette qu'on ne peut agir à la place de quelqu'un d'autre.
Lâcher prise, c'est se reconnaître en partie impuissant.
Lâcher prise, c'est faire de la place pour ce qu'on ne soupçonnait pas.
Mon copain Fredrich m'informe à l'instant que la liberté n'est pas une question de choix absolu mais une invitation à embrasser notre Nature et à agir en accord avec elle.
Ma décision est donc prise : pour ne pas me tordre l'esprit à choisir quelle direction prendre lorsque la patte se dressera devant moi, je ferai des bisous à la nature, principalement les arbres ou les vaches si elles sont dociles, ainsi qu'à ma nature à moi.
Si vous voyez un type en pleine campagne avec un entonnoir sur la tête, qui se baise la main et étreint des troncs, ne le stigmatisez pas mais suivez son chemin.