Jour 42                                              León - Hospital de Orbigo 

 


 

 

 
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Vendredi 6 Juin 2025

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Recommandation

 du jour

Le métèque

          …♦…

Georges Moustaki

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Le prophète, la Grand-Mère et le serpent

    ∞ Chapitre 42 ∞


La tolérance

 

Nous nous retrouvons à présent pour la dernière partie de notre émission, celle que vous attendez tous puisque deux candidats, placés de part et d'autres d'une cloison opaque, vont bientôt faire connaissance, d'abord par le biais de questions qu'ils auront envie de poser à l'autre, puis ce sera l'apparition. Espérons qu'aujourd'hui, nous ne connaitrons pas le dénouement d'hier où la candidate Mireille s'est évanouie devant la laideur de Norbert.

Je laisse la main à Simone et Fabienne qui vont nous présenter nos deux futurs toutereaux, qui sait? A vous Simone

Merci Evelyne. Je me trouve à côté de Cyril. Bonjour Cyril.
Bonjour Simone.
Cyril, vous êtes ce qu'on appelle un Cassos'. Vous avez redoublé 3 fois le CE2 avant de sortir du circuit scolaire.Vous avez enchaîné divers petits boulots où vous avez été renvoyé à chaque fois pour incompétence.
Même l'armée n'a pas voulu de vous. Vos hobbies sont le foot et l'alcool
Quelquechose à ajouter?
Oui, je collectionne les capsules de bière et je suis abonné à Playboy magazine. 
Cyril, il me semble que vous êtes le stéréotype du loser! Vous savez ce que c'est un stéréotype?
Oui, c'est un gars avec un walkman.
Très bien, c'est pas gagné. Fabienne, présentez nous la candidate à côté de vous
Oui Simone, je me trouve à côté d'Ingrid. Ingrid est diplômée en droit international à l'institute of Massachussets, major de sa promo. En parallèle, elle a obtenu un doctorat en sciences appliquées et un master en économie . Elle est consultante pour Johnson &Johnson, le fameux cabinet d'avocat sur la 5ème avenue de Manhattan et donne des cours de mécanique quantique à Paris II. J'ai bien résumé Ingrid?
Oui, je parle aussi 7 langues couramment.
 Eh bien, je ne sais pas comment les deux sphères intellectuelles vont se rencontrer mais peut-être que la magie de Tournez Manèges va opérer. Charly Oleg, un petit jingle avant la première question.
Ouais formidable, tututurelututu
1ère question, honneur aux gens défavorisés.
Cyril : Ingrid, Est-ce que tu braises, comme ils disent en Bretagne.
Ingrid: Oui, j'adore les barbecues. Je suis très gourmande et j'adore m'enfiler des bonnes saucisses de Morteau, comme ils disent en Franche-Comté.  Cyril. est-ce que tu te fies aux apparences?

Simone: Ingrid te demande par exemple, quand tu rencontres quelqu'un dans ton village, est-ce que ..
Cyril: En fait, tu me demandes si j'ai des préjugés?
Simone: C'est ça, je ne savais pas si tu connaissais ce mot.
Cyril: Toi, ma pauvre Simone, on dirait que tu l'appliques à la lettre ce mot. Je vais te répondre Ingrid. 
J'essaie de bannir ce trait de caractère à chaque fois que j'intéragis avec d'autres personnes. Les préjugés sont la hantise de notre société. Les stigmatisations sont trop nombreuses :  Les juifs, les arabes, les homosexuels, les franc-maçons... les femmes. Je ne supporte pas qu'on manque de respect à une femme, même une vieille bique comme celle qui se trouve à côté de moi en ce moment.
Ingrid : Je n'y ai pas cru à ta couverture. J'ai des dons télépathiques pour les esprits purs.
Cyril: J'ai la tolérance dans le sang. Intérieurement, je l’arbore comme on porte une médaille à son veston avec fierté.
Ingrid : Que faire face à l’intolérable ? Ou situer la frontière entre la bienséante ouverture d’esprit et le nihilisme où tout sevaut, tout est égal.
Cyril : La tolérance, c’est l’acceptation des différences apparentes, qu’elles soient physiques, socio-culturelles, politiques ou religieuses. Il y a une notion de supporter, d’endurer cette situation qui génère comme un obstacle, un grain de sable à notre long fleuve tranquille. Cela nécessite une capacité d’écoute et d’ouverture envers le comportement des autres, même s’il est différent, voire opposé au sien.
Cela consiste à s’abstenir de porter tout jugement d’à priori sur autrui. C'est l’écart qui sépare son propre chemin de celui, théorique qui file vers la vérité. Etant plutôt rationnel et cartésien par essence, accentué par ma formation scientifique et mon activité professionnelle, la tolérance est pratiquement sans objet. Car la vérité est connue précisément. Les démonstrations mathématiques n’en n’ont que faire de la tolérance.
Ingrid : Tu n'est pas plus cassos que moi je suis Docteur en physique quantique. On se rejoint sur la méthode.
Cyril: Moi j'y ai cru à tes diplômes. Le tolérance est aussi une marque de faiblesse dans sa dimension candide. A défaut de connaissance, la tolérance intervient car elle sous-entend qu’il y a peut-être quelque chose que je ne sais pas. Nous ignorons plus que nous ne savons, et tout ce que nous savons dépend, directement ou indirectement, de quelque chose que nous ignorons. Tant qu’à vivre avec les hommes, autant les prendre comme ils sont, sans leur intenter un procès en imperfection qui sera forcément un procès sans fin. Imparfaits, ils le sont. Dans ce cas, la tolérance n’est que l’autre nom de l’indulgence envers autrui, une indulgence qui peut être inspirée par la sympathie ou par le savoir-vivre. Réduite à ce sens élémentaire, la tolérance vaut pour toute société. Tolérons-nous les uns les autres est une doctrine qui ne régit pas la société, elle l’assouplit. C’est comme le fair-play au rugby ou à la pétanque : C’est apprécié quand on joue avec ; ce n’est qu’un supplément.
Simone: Ah ben je suis eberluée et larguée.
Cyril: Je te tolère Simone, avec tes cheveux bleus et ton parfum de naphtaline.
Ingrid: ça c'est pour la théorie qui, si elle était appliquée, nous permettrait de vivre dans le meilleur des mondes.C’est facile de dire toi je te respecte, je tolère ton mode de vie quand on reste dans sa petite zone de confort. Comment réagirais-tu si tu étais incommodé par autrui toute la journée. Nous ne sommes plus dans le spirituel mais plutôt dans le corporel, plus exactement dans le bas corporel, c'est à dire le corps en tant qu’il dégoûte.
Cyril: Pour tenter une analogie avec les sens, nous faisons exprès de toucher, de goûter. Nous ne faisons pas exprès de voir quoiqu’il soit possible de fermer les yeux. En revanche, on ne choisit pas de sentir ou d’entendre. Ces deux sens ne laissent aucune liberté, ils nous rendent vulnérables. De plus, si les sons nous pénètrent autant que les parfums, au pire, ils font mal aux oreilles. Un bruit indispose, une odeur soulève le cœur, dégoute. Dans le domaine des idées, on pressent qu’il existe des opinions qui ne sont pas seulement contraires aux nôtres, mais corrompues ou malsaines. On ne les comprend pas comme des propositions discutables et modifiables, on les perçoit comme un danger. Elles sont analogues à ce qui écœure ou suffoque.
Ingrid : Il y a une contradiction perceptible : Comment prôner la tolérance et l’ouverture d’esprit d’un côté et clamer d’un mêmesouffle notre horreur des idées nauséabondes. Fais-tu encore et toujours faire preuve cette sacro-sainte tolérance ?
Cyril: La réponse est évidemment non. Face à ce qui dégoûte, la tâche n’est pas de comprendre, de s’effacer par lâcheté ou par laxisme. La tâche est de tenir bon. La tolérance n’est vertueuse que pour autant qu’on prenne pour soi, et qu’on surmonte pour cela son propre intérêt, sa propre souffrance ou impatience. Il n’y a pas de tolérance quand on n’a rien à perdre ou pire encore, tout à gagner. Tolérer la souffrance des autres, l’injustice dont on n’est pas soi-même victime, tolérer l’horreur qui nous épargne, c’est n’est plus de la tolérance, c’est de l’égoïsme, de l’indifférence, ou pire, de la lâcheté. Faire preuve de laxisme par exemple, accepter tout sans discernement, peut conduire à des comportements excessifs qui, jugés jusque-là marginaux, peuvent devenir majoritaires avec un impact encore plus néfaste envers la société. On peut être humaniste et haïr les idées du RN, il n’y aurait pas de contradictions. D’une part, le parti pris de l’accueil de l’étranger va logiquement de pair avec le refus des idées xénophobes et d’autre part la tolérance suppose, et même dépend du rejet de l’intolérance. Ce postulat présente une logique de positionnement mais il y a une dimension affective à prendre en compte, comme une violence qui l’accompagne. Les idées adverses ne sont pas contestables, elles sont immondes, elles doivent être repoussées, combattues avec énergie. On en revient encore et toujours à la différence entre la lucidité et la conscience. C’est la conscience, l’intelligence du cœur qu’il faut mobiliser pour transmettre des croyances sans risquer de les rendre odieuses. C’est la lucidité, le courage de l’esprit qu’il faut solliciter pour résister à ce qui répugne. Autant il serait stupide de manquer de tolérance en matière de religion par exemple (il y en a d’autres), autant il serait lâche de laisser passer des opinions ignobles. Tout s’inverse alors : L’intolérance est liée au courage et à la fierté, à la conscience de l’énergie dépensée pour le bien. Sa tâche est de restaurer l’ordre et de faire reculer le morbide. Al’opposé, la tolérance est voisine de l’ignominie et ressemble à une défaite.
Le tolérant s’accommode de la mauvaise odeur.
Ingrid : C’est comme le cholestérol : il y a le bon et le mauvais tolérant.
Cyril: Une difficulté avec la tolérance, la bonne, c’est qu’elle ne se distingue pas, extérieurement de la lâcheté. Tout comme le lâche, le tolérant subit des affronts sans protester. La différence est qu’il s’y contraint lui-même, mais c’est une différence qui ne se voit pas. La tolérance réclame un désarmement intérieur, or le devoir de baisser la garde est un des plus durs qui soient. Les hommes n’aiment pas rendre les armes et les faiseurs de paix sont bien souvent honorés avec la postérité : Martin Luther King, Gandhi, Mandela.
Si une conduite que j’accepte, ou du moins que je supporte de la part de l’autre, compromet en retour ma possibilité de suivre le mode de vie que j’ai choisi, ma tolérance vire à l’imprudence.  La base de la tolérance, c’est de mettre entre moi et l’autre une distance qui permette de ne plus réagir au quart de tour ; Il me suffit d’imaginer que ce qui me paraît blasphématoire ou sacrilège ne l’est simplement pas pour l’autre : Ce qui m’atteint ne me visait pas. Chacun doit apprendre à ménager une distance vis-à-vis des représentations qu’il chérit le plus, apprendre à accepter qu’elles soient vues autrement.
Simone : Cyril, une question pour Ingrid.
Cyril: Ingrid, si je te dis "pince à linge", à quoi penses-tu?
Simone: Cyril, c'est un peu bèbète comme question non? C'est un ustensile pour étendre le linge, que dire de plus.
Ingrid : Je peux répondre vieille bique, moi ma tolérance a des limites face à la bêtise. Pince à linge, pour moi cela signifie que nous allons nous lever, nous allons exploser cette cloison qui nous sépare,, que nous allons ensemble partir loin au-dessus de ce jeu débile, de ce monde pourri pour aller cueillir des marguerites en écoutant les oiseaux.
Cyril: Allez, c'est parti!
Simone: Attendez, il faut faire le décompte avec le public.
 

 

Date de dernière mise à jour : 06/06/2025