Le labyrinthe
Il est des thèmes comme ça qui reviennent sans cesse jusqu’à ce qu’ils soient traités. Le labyrinthe est l’un d’eux. Je l’avais remisé au placard mais à chaque fois que je range la vaisselle, il me nargue. Même si c’est une fois par an, c’est une fois de trop. Je l’ai ensuite mis sous le tapis mais je sens sa présence picotante à chaque fois que je frotte mes godillots crottés.
Fini de procrastiner et comme de surcroît ce mot est hideux, j’ai décidé de m’en occuper une bonne fois pour toute et renvoyer ce labyrinthe dans un dédale d’où il ne pourra plus jamais s’extraire.
Mais comment l’aborder ce labyrinthe ? Par quel bout le prendre?
Le thème ressemble t’il à son sujet? Autrement dit, faut-il l’attaquer de manière tortueuse, alambiquée avec le risque de se perdre dans les méandres de la pensée.
Je n’ai pas la réponse. Toujours est-il qu’on verra bien à la fin de ce texte puisque je vois devant moi son entrée (ou sa sortie), (le cucul ou la têtête). Je m’y engouffre avec entrain comme lorsqu’on rentre dans la vie. Qui m’aime me suive.
Et bien justement: et si la vie était un labyrinthe? Non pas que la sortie soit la mort mais plutôt le bonheur, celui qu’on goûterait à l’état pur, le graal, l’extase permanente.
Mais dans l’hypothèse où le bonheur n’existe pas, je veux parler du vrai, du pur, du permanent, pas de ces petites touches saupoudrées ici et là dont nous nous délectons mais qui s’éclipsent la réalité venue, la sortie du labyrinthe ne serait-elle pas la mort à bien y penser et donc le fameux graal?
On serait ainsi, depuis la naissance, en train de déambuler en essayant de trouver l’issue euphorique. Autour de nous, des murs invisibles mais bien réels qu’on ne peut franchir, représentés par les lois, les dogmes, les cultures, les habitudes, les autres.
A chaque fois qu’on s’apprêterait à dire bonjour au Salut qui nous tend les bras, on viendrait se heurter à ce mur qu’on avait pas vu et pour cause puisqu’il est invisible et nous obligerait par voie de conséquences à emprunter un chemin de traverse, ce qui n’est pas pour me déplaire au demeurant.
Et ce mécanisme se répète encore et encore, ce n’est qu’une sensation incessante de déjà-vu d’accord d’accord.
Cloîtré entre ces cloisons infranchissables avec une seule voie possible, le seul moyen de goûter à la poudre sucrée du bonheur futile, et sans tomber forcément dans la facilité toxicomane, serait de s'élever quelques instants pour essayer de voir par-dessus ces remparts.
Nul besoin de torture, je le concède, je l'avoue même sans honte : je me délecte de métaphores et autres allégories, à l'image de mes disciples Baudelaire et Hugo, mais je n'en suis pas l'initiateur. Déjà à l'époque où Athènes brillait de milles feux - encore une! - la métaphore était usitée à tous les coins de rue. Toutes les histoires qu'on nous raconte depuis les 1001 nuits, ou depuis la nuit des temps, bref depuis l'époque où il faisait visiblement sombre, ne sont que de vastes récits métaphoriques.
Zeus, Moïse, Jésus et Mahomet pour ne citer qu'eux ne sont que les héros de légendes sensées délivrer un message, qui n'est que l'autre nom de la Métaphore. Il en va de même pour tout ce qui touche au théâtre, au cinéma qui racontent des fables avec une prétendue morale à la clé.
Ma chronique labyrinthique fut, bien avant moi, l'objet de moultes exploitations, remontant pour les premières à l'antiquité.
Puisque j’évoquais à l’instant le 7ème art, j’ai secrètement réfléchi à un scénario depuis plusieurs années qui a justement trait au labyrinthe. Je n’ai malheureusement pas trouvé jusque là une société de production séduite par le projet. Je m’en vais vous le pitcher dans l’espoir qu’un de vous connaisse un gros poisson, pas une tanche branlante ou un mérou boiteux mais plutôt un bon gros brochet ou mieux une belle carpe, diem de préférence.
J’avais imaginé au départ me choisir comme héros, faire de l’auto fiction. En effet, le personnage principal est élancé, fougueux, intrépide et d’une sensualité débordante. Et puis, je me suis dit que cela allait faire un poil mégalomane.
Alors j’ai cherché d’autres noms - Charlie est déjà pris par papa lorsqu’il danse le tango, bobo par maman quand elle est au téléphone, Raoul par tonton, Renato par tata, moustique par mon cousin et Bécassine par ma cousine.
Je me suis rabattu sur Thésée. Ça sonnait bien, ça sentait bon la virilité.
Au commencement était le verbe débuter. Juste après, apparaît à l’image casdale, l’homme sandwich, célèbre ingénieur travaillant au service du roi de la crête, ainsi qu’on surnomme le coiffeur du quartier, de son vrai nom Minos Le Borgne, à l’origine d’une peur bleue sur la ville tellement il était méchant pas gentil.
La reine de la crête, la coiffeuse donc, de son vrai nom Passifaée quessa, s’éprend d’un taureau blanc, originaire de Charolles, donné par le dieu de la mer - qui attire des milliers de touristes dans le charolais (la mer, pas le bœuf) - le fameux José Hidon. Passifaée demande à Casdale de créer un artifice du feu de dieu lui permettant de s’accoupler avec le sacré animal dotée d’une sacrée queue qui avait fouetté plus d’une mouche. Casdale, qui avait besoin de blé pour faire son pain accepta. De cette union, naît l’enfant Taure - le minot taure comme on dirait dans le sud.
Minos Le Borgne qui pensait que sa femme était un modèle de fidélité et de loyauté, s’était bien fourré le doigt dans l’œil. Heureusement pour lui, c’était le bon. Enfin, je veux dire le mauvais.
Pour cacher le fruit du déshonneur - il est vrai que cela commençait à jaser dans les chaumières, Casdale construisit un labyrinthe pour enfermer l’enfant Taure.
Et c’est là que je rentre en jeu, enfin je veux dire Thesée, le vrai héros de tous les temps, surclassant Bob qui trônait depuis le début des années 80 après avoir mis la main sur l’ombre jaune.
Thesée n’en était pas à son premier taureau. Il en avait déjà combattu un tout en courant un marathon. Dans mon script, j’avais imaginé une scène en travelling arrière où Thesée, en running, crucifierait ce tortillon sur une musique de Wagner et la voix off de Ouiki Pédiah, l’illustre doubleur.
Thesée se pointe au bled, recruté par Minos Le Borgne, qui n’avait plus les yeux en face des trous à force de noyer son chagrin dans l’alcool, et décide de s’engager dans la labyrinthe pour régler son compte à la bestiole Mi-homme mi-taureau.
Mais Ariane, fille du cyclope, et rapide comme une fusée arriva à temps pour attacher un fil de laine au mollet de Thesée pour pas qu’il se perde - il avait oublié son gps, cette tête de linotte.
Voici une proposition de texte dans la bouche d’Ariane :
- qu’il est viril ce Thesée, je crois que j’en pince pour lui. Au diable mon chandail pour le prochain hiver, prenons cette pelote et allons l’hameçonner.
C’est ainsi qu’il put revenir à la case départ après avoir concocté une daube de taureau savoureuse.
Et cela se pourrait que sur cette fin pas drôle se termine ma chanson pas gaie.
Mais si je veux avoir toutes mes chances à Hollywood, j’ai changé mes plans et donc Thesée embroche Ariane sur sa moto, elle qui aime tant la vitesse et le tricot, et s’en vont rouler sur une plage déserte devant un magnifique coucher de soleil sauf que l’engin s’embourbe dans le sable, les tourtereaux se vautrent comme deux misérables merdes mais finissent quand même par se déplumer et la tourterelle passe à la casserole mais pas dans le sens propre de la daube de taureau.
On est pas loin du blockbuster. Cependant, j’ai un sérieux problème de conscience déontologique qui m’empêche encore de diffuser mon scénario.
Cela va, en effet, à l’encontre des mes idéaux puisque si le héros goûte au bonheur après avoir goûté aux bonnes heures dans le sable mouvant et dans le bassin remuant d’Ariane, il n’est pas passé par la case sortie, synonyme de mégagraal puisqu’il revenu au point de départ avec ce maudit fil à la patte.
Il faut donc que je trouve une autre histoire qui corrobore mes propos irréfutables du début.
Connaissez-vous Icare?