Jour 35                                              Belorado - Atapuerca 

 


 

 

 
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Vendredi 30 Mai 2025

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Recommandation

 du jour

Je m'voyais déjà

          …♦…

Charles Aznavour

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Le prophète, la Grand-Mère et le serpent

    ∞ Chapitre 35 ∞


Icare

 

Cela commencerait par un fait divers, comme on en voit parfois dans les séries B ou les polars de gare. 
Le héros est un jeune homme d’une dizaine d’années. Pour une raison qu’on ignore et qui a toute son importance sans quoi le fait divers ne ressemblerait qu’à une banale histoire, et c’est clairement pas ce que cherche le lecteur volatile qui s’apprêterait à s’envoler vers d’autres cieux si le suspense intense qui règne en ce début de chapitre tournerait en eau de boudin, et que d’ici peu selon les spécialistes et le livre Guiness des records, la phrase la plus longue serait en passe d’être battue, voilà c’est fait, le héros se rend, avec ses parents à la cafétéria Casino. 
Émerveillé devant les céleris rémoulade et autres pâté croûte au rayon entrée, fasciné face au steak haché frite et jambon braisé purée mousseline, dont on est sûr que tout le monde en reprendra, ébloui devant le camembert coulant et l’île flottante, il chargea son plateau à raz bord et malgré le fait que ce plateau n’avait justement pas de bords, il put néanmoins le charger abondamment, sous l’œil attendri de ses parents. Arriva ce qui devait arriver: on ne fait pas manger une goulasch à un moineau, célèbre dicton des Carpates. Cela dit, mieux vaut manger comme un moineau et déféquer comme une vache plutôt que l’inverse. Cette évidence n’a aucunement sa place dans cette histoire palpitante mais elle mérite d’être mentionnée. 
Bref, boudin, calendos, goulash, peu importe, ce jeune homme a eu les yeux plus gros que le ventre. 
Autrement dit, il a surestimé ses capacités quant au but qu’il s’était fixé au début de l’aventure. 
Nul besoin d’être fin psychologue ou fin limier pour deviner où je veux en venir. 

Ce client, c’est votre serviteur. Ce n’est pas un jeune vieillard qui se hâte avec lenteur dans un silence assourdissant au pays des morts vivants. Il n’est pas non plus occis mort encore. 
De ses erreurs, il faut apprendre même si dans mes précédentes tentatives, je fus mal inspiré de ce précepte qui stipule à celui qui veut voyager loin, qu’il doit ménager sa monture. 
Bien trop de fois, je me voyais déjà en haut de l’affiche, le cœur léger mais le bagage trop lourd. 
Instable, inexpérimenté, illogique et plein d’autre mots commençant par i comme Icare, en perdant mon temps. 
Icare, pour sortir du labyrinthe, histoire de s’aérer un peu à force d’être enfermé entre deux murs, ne trouvant pas la sortie du bonheur, décida de le chercher dans les hauteurs. A l’aide d’ailes fabriquées avec de la cire et des plumes, semblables à celles des oiseaux, il s’envoya en l’air, s’étant par la passé,  livré à cette pratique à maintes reprises, source de plaisir intense mais éphémère. 
Les consignes étaient cependant strictes dans la mesure où il ne devait s’approcher ni de la mer, source d’humidité, ni du soleil à cause de la chaleur. Mais grisé par les sensations, il en voulut toujours plus et, côtoya l’astre solaire de trop près, faisant fondre la cire de ses ailes. Il se fit hara-kiri au large de Samos, une île grecque. 

La mythologie est souvent pleine d’enseignement pour celui qui sait s’en inspirer. La retenue, l’écoute de son corps, l’humilité et la sagesse sont les quatre mamelles de celui qui est inspiré.
 Le thème principal est bien entendu l’orgueil, dont l’une des branches étant d’accorder davantage d’importance à son statut qu’à son rôle réel. 
Du haut de mes expériences passées mi-figue mi-raisin, figuratif et irraisonnable, je me dois de ne pas aborder les choses comme je l’eus fait. Mon statut de randonneur ne doit pas éclipser mes capacités réelles. 
Et si je dois m’arrêter prématurément au regard de mes projections établies en début de journée, je prends l’engagement devant vous de le faire, quitte à… m’ennuyer. 
Et c’est le défi majeur qui se dresse devant moi. À savoir, changer de paradigme, ne pas considérer le temps devant la même façon que lorsqu’on est dans la vie active. 
Au-dessus de la vie active se trouve la vie précieuse où le temps est suspendu. 
Suspendu à la contemplation, à la méditation, à l’écoute.

 

Date de dernière mise à jour : 30/05/2025