Jour 26                                              Saint-Jean Pied de Port - Roncevaux

 


 

 

 
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Mercredi 21 Mai 2025

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La porte était entrouverte mais pas suffisamment pour que je puisse me glisser dans l’interstice. 

Un grand merci à Benjamin ( il se reconnaîtra) pour m’avoir prêté un pied de biche solide pour la défoncer. Merci à Ludo également pour le soutien moral. Le problème n’est pas résolu mais je le considère avec moins d’anxiété. 

J’ai donc franchi le portail des Pyrénées. Me voici sur le sol espagnol, à l’abbaye de Roncevaux, au milieu d’une meute de coréens, fringants mais poussifs. Beaucoup démarrent leur périple à Saint-Jean pied de port, avec leurs souliers neufs et pimpants. Je tranche avec mon accoutrement qui a bravé les chemins crottés depuis 25 jours mais peu importe. Trancher est chez moi une idéologie. 

Je vais survivre. 
 

I will survive

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Recommandation

 du jour

Goldorak

          …♦…

Noam

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Le prophète, la Grand-Mère et le serpent

    ∞ Chapitre 26 ∞


Les obsèques

 

Nous voici tous réunis pour dire un dernier au revoir à notre ami, l’immense écrivain Cyril, qui nous a quitté le 29 juin dernier, à l’âge de cent ans. Il nous a accompagné pendant près d’un demi-siècle avec ses textes d’une profondeur inégalée, il nous a fait rire comme il nous a fait pleurer, il nous a apporté du réconfort avec ses mots quand le monde était en train de s’écrouler autour de nous. 
Vous êtes nombreux à venir témoigner de votre amitié ou de votre sollicitude envers lui, famille, amis mais aussi anonymes. 
C’est la raison pour laquelle la cérémonie n’a pas pu se tenir dans la modeste chapelle des pèlerins à Saint-Alban sur Limagnole, comme c’était son souhait, et que nous avons donc décidé de louer le Stade de France pour l’occasion. 
Comme un pan entier de sa personnalité reste, malgré la notoriété qui fut la sienne, dans l’ombre, voire énigmatique, il a été décidé que les personnes qui le connurent le mieux viennent nous raconter là un trait de caractère, ici une anecdote.  
Et ce ne sera pas trahir sa pudeur légendaire mais au contraire, permettre au millions de gens qui suivent cet événement ici et en direct sur l’ORTF, de davantage l’apprécier,  si tant est que cela puisse être possible. 
Cyril aimait à dire que l’ombre est une lumière qui s’ignore et Dieu sait si c’était quelqu’un qui avait justement la lumière à tous les étages, à part peut-être dans les cinquante dernières années de sa vie. 
Pour nous parler de lui, j’appelle le premier témoin: Mr Casimir, le monstre gentil. 
Mr Casimir, vous avez la parole. S’il vous plaît, ne mangez pas le micro comme lors de la répétition. 
Bonjour les enfants. Oh la la, j’ai bien connu mon petit Cyril. On a passé beaucoup de temps quand il rentrait de la pépinière, ce devait être en 1978. On avait beaucoup de points communs à commencer par la couleur orange qu’on retrouve sur ma peau et lui, sur ses chandails phildar tricotés par sa maman. On discutait beaucoup ensemble sur des sujets divers comme l’acceptation des différences, thème récurrent chez Spinoza, ou la place prépondérante de la gastronomie au Sahel oriental, lui en dévorant ses chocos BN et moi en remuant le gloubiboulga dans ma marmite. Rest in pain d’épice. 

Merci Mr Casimir. J’appelle notre second invité : Mr Goldorak. 
Mr Goldorak, vous avez la parole et évitez de détruire le micro avec votre fulguro poing comme ce matin. 
Tout comme le gros golgoth qui vient de parler avant moi, j’ai aussi très bien connu Cyril. C’était plus vers 1982 ou 1983. Toujours fiable à vouloir sauver la planète avec moi, il n’avait pas hésité à me cloner en taille réduite pour parfaire ma technique de combats contre l’effroyable Minos. Nous avions aussi beaucoup débattu sur la place importante laissé aux borgnes, eunuques et unijambistes dans le monde du cirque équestre, thème récurrent chez Pascal. Pour moi, malheureusement, dès 1984, j’ai dû mettre ma carrière en retrait avec la crise à Creusot-Loire; plus de maintenance, plus de pièces détachées sorties du grand laminoir ou de la forge du Breuil. Je sais qu’Actarus a galéré derrière pour trouver du taf. J’ai appris qu’il avait été pris comme cariste à Alstom. 
C’était l’époque aussi où Superman s’est cassé la gueule de cheval, sale temps pour les supers héros. Heureusement que Cyril lui, avait de saines articulations  pour continuer le combat contre les méchants pas beaux. Et si aujourdhui, le monde respire et resplendit, on peut lui dire un grand merci. 

Merci Mr Goldorak. Maintenant, c’est au tour de Mr Garcimore. 
Mr Garcimore, vous avez la parole et si vous pouviez ne pas transformer le micro en pigeon, les spectateurs vont en seraient gré. 
Bonchour à touche. Ichichich. La pitite chouris, elle m’inerve. 
Mr Garcimore, je propose de traduire votre pensée par cette nouvelle application, afin que tout le monde comprenne et pas juste votre mère. 
La première fois que j’ai rencontré Cyril, c’était au Jardiland de Melun ou j’étais venu acheter des colombes pour mes tours de magie. Il était en train de faire un scandale auprès de la direction pour demander la libération immédiate de toutes les tourterelles emprisonnées. Il chantait même du Pierre Perret à l’occasion. Nous avons disserté sur la place centrale des volatiles dans le monde judéo-chrétien de la perse du 3ème siècle, thème récurrent chez Leibniz. On a alors uni nos forces et on a fait disparaître toutes les tourterelles du magasin dans mon chapeau et on les a libéré sur le parking. Une amitié est née à ce moment précis. 
Merci Mr Garcimore. À présent, monte sur la scène du Madison Square Garden en duplex depuis New-York, Mr Presley.
Mr Presley, le micro est à vous, vous pouvez parler, chanter. 
Je me souviens que c’était un de mes fans, qui devait être de sa famille si j’ai bonne mémoire, qui nous avait mis en relation. Nous avons beaucoup chanté ensemble, sur scène ou dans les champs, devant des milliers de gens ou quelques vaches. Le principal n’est pas la quantité mais le plaisir qu’on en éprouve. On aimait à ce propos argumenter sur le rôle du subconscient dans l’essence du plaisir, thème fondamental chez Freud. Je ne pensais pas que ma popularité allait être un jour dépassée mais je suis heureux que ce soit toi qui ai accompli cet exploit. I love you tender Cyril. 
Thank you Mister Presley. 
Pour terminer ce vibrant hommage, j’appelle Mr Zarathoustra. 
Mr Zarathoustra, vous aviez dit hors antenne ne pas avoir besoin de micro. Et bien, allez-y.
Effectivement, parler avec son coeur ne nécessite pas d’amplificateur. 
J’ai rencontré Cyril, je m’en rappelle très bien, c’était au printemps 2025. Je déambulais comme à mon habitude de pèlerin depuis plusieurs siècles lorsque le destin me fait marcher à côté de lui, sur un chemin réputé pour son pouvoir énergisant. Et là, une connexion s’établit, sans mots, sans bruit, nous nous comprenions. Ce que j’essayais d’enseigner depuis des générations, on aurait dit qu’il l’avait assimilé et la suite me conforta dans mes intuitions. 
Mes chers amis, femmes et hommes à travers les continents qui m’écoutez en ce moment, il y a toujours un ordre après ce terrible chaos, le retour éternel dont je suis la preuve vivante n’est pas que du bla-bla. Pèlerin et pèlerines, gabardins et gabardines, ladies and gentlemans, J’ai l’honneur de vous annoncer que Cyril…

 

Date de dernière mise à jour : 21/05/2025