Le noeud
Nouer ses lacets est un acte machinal. On lace comme on respire. Quelquefois la vérité est sous nos yeux mais on ne la voit pas. Comme entendre n’est pas écouter, regarder n’est pas voir.
Et pourtant, quand on observe le noeud basique de la chaussure, celui qui nous procurait fierté ou honte selon nos compétences en ce domaine au sortir de l’enfance, il est composé de deux boucles reliées par ce même entrelacement de ficelles. En schématisant, ce n’est rien d’autre que deux cercles limitrophes comportant un seul point géométrique commun, le noeud.
Ce noeud permet de fortifier l’arrimage de ses pieds aux souliers, tout comme celui du ruban sur le cadeau, ou du papillon sur le col, malgré le cri d’alarme des entomologistes.
J’ignore si mon ostéopathe est aussi entomologiste. Il doit bien y avoir des garagistes psychopathes ou des homéopathes cruciverbistes alors pourquoi pas. Toujours est-il qu’il n’a pas son pareil pour démêler les noeuds. Car en effet, certains noeuds obstruent ou lieu de faciliter l’ergonomie.
Ceux-ci ne sont pas visibles, ils n’ont pas été créés en passant une boucle autour d’une autre, et ils sont nommés ainsi car le noeud empêche l’écoulement de poursuivre son fluide parcours, mis à part le neuf coulant qui fait figure d’exception.
Rien de tel qu’une expérience parlante, comme l’horloge quand elle n’a pas ses aiguilles nouées et sa voix enrouée. Si vous remplacez les lacets ou les cordes par le tuyau d’arrosage du jardin, nul besoin d’avoir étudier la mécanique des fluides ou de connaître l’effet Venturi pour deviner que ça va être compliqué d’abreuver ses tomates. Dans la même veine, ou pour être plus précis, dans la même urètre, si un homme proche de l’âne s’amusait à faire un noeud avec son membre bien membré, ce dont je serai incapable, par pudeur uniquement, il souffrirait tôt ou tard de troubles de la vessie. La raison est la même, l’écoulement serait trop faible.
Revenons à nos moutons et non à nos ânes vu que je ne sais foutrement rien de l’anatomie de mon ostéopathe, féru de papillons ou pas.
Les noeuds qu’ils démêle avec son fluide qui, pour le coup, ne s’écoule dans aucune canalisation, sont les conséquences de petits ou grands traumatismes, de pointes de stress, de soucis divers et variés qui provoquent de légères crispations au niveau de points sensibles du corps, provoquant par la même douleurs dorsales et articulaires.
Un bon ostéo peut être décoré du prix Nobel de la paix intérieure qu’il déclenche chez son patient.
Cette paix intérieure que les marcheurs recherchent lors des longs périples qui les mènent en terre promise à un bel avenir. Mais un lacet mal effectué peut engendrer dénouement tragique, perte de contrôle, chute des capitaux et des cordons de la bourse passés en frais d’hospitalisation. Et c’est le corps médical qui est promis à un joli futur, déjà fructueux par l’augmentation des cancers de la prostate pour cause de vessie défaillante.
Le noeud du marcheur n’est pas de celui qui obstrue, malgré sa fonction. Il relie les deux cercles formés par les boucles, il permet la fluidification à l’intérieur du lacet. La première boucle représente le temps qui passe, les initiés que vous êtes ont reconnu Ouroboros. La seconde est ce même serpent avec une circulation inversée, comme si on remontait le temps.
La marche, pas celle qui vous porte chez le boulanger du coin pour rapporter les croissants à votre bien-aimé(e), mais celle qui vous transporte chez le portier d’une certaine cathédrale par exemple, relâche le noeud en son coeur, comme celui qui disparaît au contact de mains expertes. Et c’est le cycle vertueux qui se met en place, rajeunir avec le temps qui passe, retourner vers l’enfance au fur et à mesure d’avancer vers demain. Ce processus peut ainsi durer éternellement, cela ne vous aura pas échapper que ces deux cercles côte à côte représente le signe infini.
Pour ceux qui auraient un doute sur cette démonstration pourtant criante de vérité, étincelante de logique, il suffit de se tourner vers les hauteurs, de regarder la paroi qui nous fait face et demander aux experts de l’escalade comment ils nomment leur noeud fétiche. Il s’agit du noeud de huit.
Ce chiffre huit, debout en direction du ciel, représente ce même sigle infini, couché en direction de l’horizon, la destination finale du marcheur.
Pour finir de convaincre les derniers indécis, et pour satisfaire les premiers impatients, prenez le premier bateau qui traîne et filer à 1000 noeuds vers le large.
