L'abondance
Sans chercher à faire mon Darwin de comptoir, les cycles d’évolution de la faune et de la flore, hommes compris, sont extrêmement longs. Le tilleul, dans son essence et même si c’est un feuillu, avait la même forme au temps de Darwin, de Charlemagne, de Platon jusqu’à Zoroastre. Avant ce dernier, plus personne ne peut certifier, il faisait trop noir, le cycle étant réinitialisé.
Il en va de même pour le nénuphar, le héron patapon ou la grenouille rieuse qui pullulait en abondance à l’époque du bon temps.
On peut imaginer que l’abondance d’aujourd’hui n’a pas varié sa forme ou sa composition depuis des décades. Je veux parler ici de celle qui paît dans les pâturages alpins, pas celle qui se complait dans les sociétés occidentales.
C’est ainsi qu’on s’aperçoit, comme souvent, que deux notions nommées par le même terme, peuvent devenir antagonistes.
Je ne suis pas de ceux qui s’émeuvent du temps glorieux, du « c’était mieux avant ». Il est ridicule et inapproprié de comparer les époques. Chacune avait ses avantages et ses défauts. Regretter le temps passé n’est rien autre que de la nostalgie,en ne conservant que le positif, les moments joyeux et mémorables et omettant les drames.
Lors d’un trébuchement de pouce fâcheux, j’ai pressé le bouton cnews sur ma télécommande. Le temps de m’apercevoir de cette fatale erreur, je n’ai pas pu faire autrement que d’entendre un chroniqueur s’exclamer à propos de l’insécurité grandissante dans notre société, que c’était mieux avant sans aller jusqu’à évoquer , même si je l’ai ressenti dans ses propos, le temps béni de l’occupation.
L’abondance de violence présumée est ressentie ainsi grâce, ou à cause de l’hyper connexion, de la célérité du flux d’informations, des chaînes d’infos continues et bien sur des réseaux sociaux. Ne pas avoir la chance de disposer de ces outils disons 50 ans plus tôt n’a pas empêché que des actes de violence furent commis. Ils étaient moins médiatisés, parfois même étouffés. Il suffit de regarder la vie pleine d’altruisme et de charité d’un grand homme tel que l’abbé Pierre, qui a tant fait pour les plus démunis. On s’aperçoit aujourd’hui que cet homme avait les mains baladeuses et le kiki fouineur. C’était un salaud, comme tous ses homologues qui ont abusés des plus faibles, profitant de leur statut dans la communauté catholique et de leur soi-disant probité au-delà de tout soupçon. Combien de drames ont ainsi été étouffés, quelquefois venant de parents pour éviter de gâcher une réputation mais ruinant par la même la vie de leur progéniture.
Obnubilé par tant d’absurdités énoncées avec éloquence et sincérité, je n’ai pas pu réagir à temps et zapper sur pêche, nature et tradition dans le but d’éviter de me farcir un épisode publicitaire. Regarder les pubs à la télé, les écouter à la radio dans ma voiture ou les voir surgir dans les pages que je consulte sur la toile est au-dessus de mes forces. Je refuse de me laisser entraîner dans cette spirale consumériste et devenir un veau. Autant j’adore contempler le veau de l’abondance dans les prés, autant j’abhorre ressembler à un veau dans les champs de l’abondance de réclames. La société de consommation dans laquelle nous évoluons apporte de grandes et belles avancées dans de nombreux domaines; je suis le premier à en bénéficier. Malheureusement, le confort qu’elle apporte nous fait occulter la notion d’effort, physique et intellectuel. Nous oublions l’essentiel, ce que nous voyons autour de nous sans le regarder, la beauté présente quand Zoroastre est arrivé et qui resplendit encore de nos jours. L’Abondance avec ses cornes et ses belles taches marron en est la preuve irréfutable. Tout comme sa cousine limousine, la paillarde Montbéliarde, et ne vous déplaise la Charolaise chère à mon coeur. Que dire de la délicate Aubrac, avec ses yeux aguicheurs qui ont séduit nombre de voyageurs depuis Zarathustra le pèlerin jusqu’au prochain.