L'aigle noir
C’était un beau jour, qui devint subitement une nuit.
Insouciant, innocent, il paya sa crédulité.
Jouant, riant, il n’avait pas vu rôder le charognard.
À travers le ciel bleu, surgit l’aigle noir.
Bien des années plus tard, alors qu’il le croyait envolé à jamais, il revint sans bruit, sans crier gare.
L’oubli.
Il l’avait oublié, enfoui au fond de sa mémoire. Pourtant, les aigles noirs pullulent, ici ou ailleurs mais aucun n’avait réveillé celui qui dormait en lui.
Oublie t’on pour toujours ? Les méandres du cerveau sont infinis. Certaines situations reviennent à la surface sans qu’on s’y attende; il suffit parfois d’un événement, d’une allusion, d’un sentiment de déjà vécu pour se remémorer un moment, même très longtemps après.
Avec le recul, il le voyait tournoyer au dessus de lui depuis un certain temps mais n’y avait pas prêter attention. Quand soudain, l’oiseau vint se poser. C’est alors, qu’il le reconnut. Surgissant du passé. Il lui était revenu.
Si on devait représenter la beauté en musique, on se rapprocherait sans nul doute de l’aigle noir. Mélodie somptueuse issue de Beethoven, interprétation magistrale, arrangements impeccables et paroles profondes. Il y a tout dans cette chanson, et même davantage car on peut se l’approprier pour décrire une situation passée, plutôt empreinte de tristesse, de douleur, de peine.
On ne se réfère pas d’emblée à ce titre pour évoquer une troisième mi-temps arrosée à faire tourner des serviettes.
Le texte introductif à ce chapitre en témoigne. On a beaucoup dit ou écrit sur l’interprétation de l’autrice de cette chanson magnifique. « Nantes », chanson écrite quelques années plus tôt, raconte les remords des mots de haine et de pardon jamais prononcés à son père incestueux. Il est donc probable que l’aigle noir soit une interprétation du mal enfoui qui ressurgit à l’occasion d’un événement soudain. D’autres versions surgissent comme l’avénement du troisième reich.
On peut faire un lien avec un autre chef d’œuvre, littéraire cette fois-ci. Je veux parler de la Peste d’Albert Camus.
L’aigle est très présent chez Nietzsche, notamment chez Zarathoustra. Il le présente comme l’animal le plus fier mais aussi le plus noble. L’oiseau est annonciateur de l’aurore, l’éveil.
Que déduire de l’aigle noir de Barbara à travers la philosophie de Nietzsche ?
Plus qu’un réveil à la gueule de bois, c’est un rêve qui s’achève tout à coup par la résurgence d’un traumatisme enfoui.
Il est intéressant de noter qu’un autre animal de compagnie est fidèle à la pensée de Friedrich.
Et raten sie mal was? Die schlange. Le serpent.
Il est enroulé autour du cou de l’aigle. Je ne peux m’empêcher de faire le lien avec mon Ouroboros qui n’est pas que le mien d’ailleurs mais comme il est tellement présent dans mon moi…
Je ne peux pas m’imaginer que ce serpent apparaisse dans Zarathoustra par hasard, d’autant plus qu’il a déjà sévi depuis des siècles à travers les civilisations.
Même s’il ne possède pas de patronyme dans cet ouvrage, l’association de l’aigle et du serpent peut faire référence au jour sans fin, et sans marmottes non plus.
Le réveil éternel, la renaissance, la vie identique, cette notion de vivre et mourir permanente.